Vous voyez comment ça marche un élastique ? On tire l’élastique en arrière et quand on lâche… l’élastique fait un saut en avant ! Il y a aussi un proverbe africain qui dit « C’est au bout le vieille corde que la nouvelle se tisse le mieux ». Ce proverbe il revient beaucoup à propos de l’effet positif de la restitution de trésors royaux du Benin par la France.
Pour mémoire, en 2021, 26 objets, statues, trônes, sceptres et portes monumentales, pillés par les troupes du général français Alfred Dodds en 1892 lors de la conquête de ce qui était « le royaume du Dahomey », ont été restitués. Ces reliques qui avaient en parti été données au Musée d’Ethnographie du Trocadéro à Paris puis transférées au quai Branly, ont eu d’abord un effet « élastique » chez les européens. Lorsqu’après la boucherie de la première guerre mondiale, les artistes comme Picasso ou les membres du mouvement Dada ont voulu se projeter dans un monde nouveau : ils sont allés chercher l’élan dans les arts anciens africains, océaniens, ou amérindiens.
Sauf que cette inspiration, les peuples qui les premiers ont créé ces références en ont eux-mêmes été coupés… Leur patrimoine embarqué : « des générations de Béninois se sentaient dépossédés non seulement de leurs antiquités mais aussi de la voix de leurs ancêtres » écrit le Financial Times dans un reportage qui montre l’élan suscité par la restitution des œuvres depuis 2021 !
Et preuve qu’il y avait une attente, l’exposition des trésors royaux dans le palais présidentiel de Cotonou a attiré les foules ! Plus de 220 000 visiteurs en 60 jours, sur 13 millions d’habitants c’est énorme ! Tout le monde est venu, et plusieurs fois ! Avec une section « Restitution » où chacun a pu découvrir l’art de ses ancêtres, et une section « Révélation », avec les oeuvres de 34 artistes béninois contemporains qui sont été à leur tour stimulés par ce patrimoine restitué. C’est cette partie-là qui fait en ce moment escale à Paris à la Conciergerie.
La reconnexion à ce passé déraciné est donc partie pour nourrir une nouvelle l’effervescence créative, sachant que les objets restitués sont remis en relation avec les rites et traditions dans lequel ils s’inscrivaient. C’est ce qu’on voit dans le documentaire « Dahomey » de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop !
Les objets pillés se remettent à parler en quelque sorte, alors qu’ils étaient « muets » ou « inertes » coupés de leur sens depuis plus d’un siècle. On raconte même que ce n’est pas le gouvernement français ni le peuple béninois qui ont rendu cette restitution possible, mais les objets eux-mêmes qui ont décidé de revenir auprès de ceux qui savaient s’on occuper ! Le début d’un nouvelle histoire contemporaine propulsée par le passé !