“The Wild Fires”: el tiempo como materia

“The Wild Fires”: el tiempo como materia
“The Wild Fires”: el tiempo como materia
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Le film était en compétition au festival de Cannes l’année dernière, et c’est un objet curieux, qui suit une femme dans la province du Shanxi depuis le début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui, un film comme composé à l’envers : fait d’images tournées au gré du temps, et montées finalement par le réalisateur selon un scénario écrit après. Ce procédé particulier engendre un film troué, habité par une mélancolie particulière, un film comme constitué du temps qui passe.

Il ouvre dans une espèce de cahute, où des ouvrières se réchauffent en chantant et en buvant du thé, en attendant de reprendre le travail dans les mines avoisinantes. La séquence s’allonge, alors qu’elles se succèdent pour entonner des chansons d’amour comme au karaoké, puis débouche justement sur d’autres où la caméra s’immerge dans des lieux de fête : bals populaires, cabarets et boîtes de nuit. C’est comme une errance, un peu hallucinée, d’où émerge un personnage dont on comprend vite qu’il est placé là exprès, à la manière dont il s’extrait de la matière documentaire. Qiao est une jeune femme mince et très jolie, qui porte une perruque à frange, et qui cherche, entre deux petits boulots de mannequinat, Bin, un homme avec qui la rupture est proche, et consommée dans une séquence quasi dansée filmée dans une caravane. Bin part faire fortune ailleurs, et pendant la suite du film, Qiao le cherche, le long du fleuve Yangtse, jusque dans des villes que la construction du barrage des Trois Gorges vide et détruit les unes après les autres.

Pas facile de raconter Les Feux sauvages, car sa forme hybride excède largement le simple récit, et qu’elle tient à la fois du documentaire, de la romance, mais aussi du film de genre – le film prend des allures de fiction mafieuse quand on retrouve le personnage de Bin travaillant pour le compte d’investisseurs corrompus dans cette province en pleine mutation. C’est dans le fond surtout un film sur le temps qui passe, un film qui rend ce passage vraiment sensible à l’écran, et ça tient à cette fabrication très particulière. Les Feux Sauvages est un montage d’images que Jia Zhang-Ke a filmées dès 2001, sans idée particulière alors autre que garder trace d’un espace et d’une période, des images dans lesquelles il avait fait intervenir sa comédienne fétiche Zhao Tao, comme un personnage sans histoire fixe. Finalement pendant le Covid le cinéaste confiné prend le temps de regarder toutes ces images, et à partir d’elles, invente cette histoire d’amour à la fois douloureuse et douce, qui voit les deux acteurs se retrouver dans une séquence finale particulièrement saisissante. Ils ont traversé avec nous la mutation accélérée de toute une région.

Passages

Jia Zhang-Ke avait déjà réalisé plusieurs films sur la construction de ce barrage qui a déplacé des centaines de milliers de Chinois, contraints d’abandonner leurs villages construits à flanc de colline pour rejoindre souvent les grandes agglomérations de la province. Des images spectaculaires de familles qui attendent d’embarquer sur des bateaux avec deux trois bagages et quelques meubles, disciplinés par le bruit de haut-parleurs. Des images auxquelles répondent celles de la Chine d’après le premier confinement – un autre désastre, un autre bouleversement, qui masque les comédiens et tous les gens autour. Les Feux sauvages est un film profondément mélancolique, où on voit vieillir les visages, changer les usages, dans des images dont la texture elle-même se modifie à mesure que le réalisateur change de matériel. Finalement Jia Zhang-Ke semble saisir le passage du temps sur son travail, dans un exercice introspectif dans lequel circulent les fantômes de son propre cinéma.

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