“En approchant de la clairière, on entend d’abord les rires et les éclats de voix dans la nuit.Tout le village est là, attablé en rond autour d’un grand feu, dont les flammes éclairent au passage leurs faces rougeaudes et luisantes. Des braises montent en crépitant vers l’obscurité, dans la bonne odeur de feu de bois et de viande rôtie à la broche. Ça rit et ça parle fort. On reconnaît le chef à ses grosses moustaches et à son embonpoint. Il y a aussi le druide, avec son crâne dégarni et sa grande barbe blanche. Et puis, bien sûr, le petit nerveux et le gros costaud, qui dévore à pleines dents un sanglier entier. Et comme d’habitude, le barde n’est pas là…
Ils sont un cliché de notre enfance, de la France des Trente Glorieuses. Mais depuis ces dernières années, les progrès de l’archéologie nous apportent leur lot de révélations fracassantes, qui sont autant de plates nouvelles de ce monde désormais évanoui : non, on ne mangeait pas de sanglier le dimanche midi dans les familles ; non, les Gaulois ne vivaient pas non plus dans des maisons rondes en grosses pierres, qui ressemblaient à ces restaurants d’autoroutes où l’on sert des grillades cuites à la cheminée. En revanche, ils étaient d’excellents agriculteurs et des métallurgistes hors pair et certains habitaient même déjà en ville. Mais eux, qui étaient-ils, au fond ? Qu’est-ce qui les animait ; en quoi espéraient-ils ?”
Cette présentation est extraite des premières pages du livre de l’archéologue Laurent Olivier, Le monde secret des Gaulois. Une nouvelle histoire de la Gaule, publié chez Flammarion. Le conservateur général du patrimoine au musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye y donne une vision assez éloignée des clichés sur “nos ancêtres”…
Un système politique très élaboré
“Comme toujours, l’histoire est écrite par les vainqueurs, et dans le cas précis des Gaulois, elle est écrite même par les colonisateurs, les Romains, qui les ont vus comme des populations barbares, arriérées, auxquelles on apportait la civilisation. Donc, on a dans notre inconscient une image de barbares arriérés, vivant au fond des forêts, pas très propres, passant leur temps à se disputer et à ripailler.”
Or l’archéologue révèle au contraire que la société gauloise repose sur un système politique très élaboré. Les décisions se prennent à l’unanimité, du niveau familial jusqu’à celui de la nation, dans une forme de “démocratie participative”. “L’idée de la division des pouvoirs est très forte chez eux. Chaque pouvoir a son contre-pouvoir.” Notamment celui des druides, qui sont les responsables religieux, des philosophes, des savants, mais aussi “des législateurs, au-dessus du pouvoir politique”.
Une place importante accordée aux femmes
Contrairement au monde gréco-romain où les femmes sont cloîtrées à la maison, enfermées dans leur rôle de mère et d’épouse, les Gauloises occupent une place majeure. Elles disposent de leur propre capital, participent aux décisions politiques et jouent un rôle d’arbitre dans les relations internationales. Elles accompagnent même parfois leur mari ou leurs frères sur les champs de bataille.
Un héritage politique toujours d’actualité
Laurent Olivier s’interroge sur la pérennité des valeurs politiques gauloises. “La Gaule nous rappelle que l’exercice du pouvoir perd toute justification s’il sert autre chose que le bien commun, car la richesse, dit-elle, n’a pas d’autre utilité que celle d’être partagée entre tous.” Il observe : *”Dès qu’on a le sentiment en France que les libertés collectives sont atteintes, immédiatement la figure des Gaulois ressurgit, dans les manifestations.”*Face à notre “modèle de société caduque qui nous emmène dans une crise extrêmement profonde qui menace même l’existence humaine”, il voit, “dans des sociétés qui perçoivent le politique autrement, de la ressource politique pour aujourd’hui”.
- Laurent Olivier est archéologue, conservateur en chef du patrimoine, en charge des collections celtiques et gauloises du musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, et chercheur associé au CNRS. Auteur de : Le monde secret des gaulois. Une nouvelle histoire de la Gaule, Flammarion, octobre 2024
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