C’est un café parisien tout proche de la Maison des sciences de l’homme du pacifique, lieu de rendez-vous d’un groupe de chercheurs tous membres d’un groupe de recherche rattaché au CNRS et qui depuis 2022 tente de faire la lumière sur l’héritage de l’histoire nucléaire de la Polynésie française. Ils sont une poignée, mais leur état d’esprit est partagé par la trentaine d’historiens, géographes, linguistes, ou juristes qui composent ce Sosi entre Paris et Papeete. Tous confient leurs difficultés à accéder aux sources écrites nécessaires pour mener à bien leurs recherches. Des sources qui devraient être déclassifiées puisqu’elles ont pour certaines plus de cinquante ans et que c‘est un droit constitutionnel et aussi parce que le président Emmanuel Macron dans son discours de Papeete du 28 juillet 2021 avait promis la transparence sur ce sujet aux Polynésiens.
D’une histoire du silence à une histoire asymétrique
“On ne peut écrire qu’une histoire asymétrique. Depuis plus de deux ans, ce que l’on constate c’est que l’armée et la diplomatie jouent le jeu mais pas le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, qui fait preuve de mauvaise et de déloyauté vis-à-vis de notre volonté d’écrire une histoire indépendante du Centre d’expérimentation du pacifique (qui a porté ces essais nucléaire entre 1966 et 1996 ndlr).Résultat les populations en Polynésie sont encore plus suspicieuses qu’avant, vis-à-vis de la France” déplore l’historien Renault Meltz, qui pilote le groupe de recherche CNRS sur l’héritage des essais nucléaires en Polynésie
Du 2 juillet 1966 sur jusqu’à 1974, il y a eu officiellement 46 essais nucléaires atmosphériques c’est-à-dire en plein air et souvent sans protection des populations ; puis encore 147 tirs sous terrains de 1975 jusqu’à 1996. Trente ans d’histoire nucléaire française qui reste pourtant largement ignorée des citoyens faute de sources. Alors, pour la première fois, ce professeur d’histoire géographie polynésien s’est lancé dans un doctorat sur les essais nucléaires.
“Depuis 1984, l’histoire des essais nucléaires fait partie des programmes scolaires mais il n’y a pas assez de documents ni de sources validées à présenter aux élèves. Les choses changent progressivement mais il reste des efforts à faire, surtout au CEA ” considère Manatea Taiarui doctorant à l’Université de Polynésie française.
Preuve de cette ouverture, son doctorat est financé par l’armée française, qui à l’automne 2021 a déclassé 13 000 archives militaires liées au nucléaire à la fois pour répondre aux vœux du président Macron, mais surtout à l’obligation constitutionnelle qui impose d’ouvrir les archives au bout de cinquante ans. Ces documents sont présentés dans un inventaire, un inventaire qui n’existe pas au CEA, le commissariat à l’énergie atomique qui pilotait tout l’ingénierie des essais nucléaire. Pourtant, l’organisme public a créé en février 2020 une commission de déclassification mais elle n’a délivré que 400 documents numérisés et un ouvrage d’histoire officielle du CEA sur le sujet.
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Sans Histoire commune et indépendante, des risques de violence
L’argument est le même que depuis le début des essais nucléaires. Les documents seraient trop sensibles et risquerait de permettre à des puissances étrangères ou terroristes de produire des bombes nucléaires. Mais parfois les réponses de refus envoyées aux chercheurs font douter de la bonne foi de ces réponses. Sur un mail renvoyé en février 2024 qui demandait des données sur l’état des connaissances scientifiques liées aux risques nucléaires en 1966, la réponse de l’archiviste contient par mégarde la validation de sa hiérarchie avec cette mention “tant mieux comme ça, on peut clore”.
Ce type d’échange n’étonne pas les membre du groupe de recherche sur l’héritage des essai en Polynésie. L’une des chercheuses, géographe s’est vue opposer, durant une année, l’argument du secret médical pour obtenir une liste de 10 à 12 000 Polynésiens employés par le CEA pour ces essais nucléaires. De quoi retarder le travail et la production d’une histoire indépendante demandée de plus en plus radicalement par les polynésien.
“Ces méthodes dilatoires et déloyales accréditent la thèse du secret et alimentent des théories complotistes” s’inquiète l’historien Renaud Meltz, qui pilote le groupe de recherche CNRS sur l’héritage des essais nucléaires en Polynésie. Fin novembre, le groupe communiste à l’Assemblée nationale vient donc de demander une nouvelle commission d’enquête sur les conséquences de trente ans d’essais nucléaires français en Polynésie, pour faire notamment la lumière sur leurs conséquences pour près de 200 000 personnes.
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