L’opération militaire spéciale lancée par Vladimir Poutine le 24 février 2022 devait durer trois jours, elle avait pour objectif de renverser le régime nazi de Kiev et de ramener l’Ukraine dans le giron de la grande Russie. Les choses ont tourné autrement. La guerre éclair est devenue une guerre sans fin meurtrière, et comme le constatent, chacun à sa manière, nos invités, elle a changé la face du monde.
Comment penser ce basculement ? Quels sont les nouveaux rapports de force ? Où en sommes-nous maintenant que se dissipe la douce chimère de la fin de l’histoire ? Quelle paix est souhaitable ? Quelle paix est possible ? Que doit faire l’Europe ?
Alain Finkielkraut reçoit pour en parler, Pierre Lellouche, spécialiste en géopolitique des conflits, auteur de Engrenages : La guerre d’Ukraine et le basculement du monde, et Nicolas Tenzer, philosophe politique, essayiste, qui fait paraître, Notre guerre, Le crime et l’oubli, pour une pensée stratégique.
“Entre l’empire américain surpuissant et l’empire russe déclinant, mais qu’ à partir de 1999, Poutine a voulu faire renaître, au fil des ans, l’affaire ukrainienne s’est trouvée prise en tenaille” (P .Lellouche)
“Ce à quoi on assiste, c’est en fait le troisième épisode de la Guerre de sécession d’Ukraine au cours du siècle écoulé. A chaque fois, ça a correspondu soit à l’effondrement du pouvoir en Russie, soit à une guerre mondiale. Il y a eu trois tentatives, 1917, 1920. Et là, ni les vainqueurs, ni les vaincus, ni les Russes rouges, ni les Bolcheviques, ni les blancs ne voulaient d’Ukraine. Il y a eu 1941, l’arrivée des nazis, avec la complicité de Bandera pour l’extermination des Juifs en Ukraine. Et là encore, le nationalisme ukrainien a raté. Staline a repris le contrôle, élargi les frontières et tracé les frontières de l’Ukraine de 1991, et puis il y a eu 1991. Le divorce entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, suivi une semaine plus tard par la dissolution de l’Union soviétique. Et là, l’Ukraine est apparue à nouveau, pour la première fois, après avoir été longtemps le fantôme de l’Europe. Et la question s’est posée de savoir ce qu’on allait en faire.
La position initiale des Américains et des Français, à l’époque Georges Bush père et François Mitterrand, rappelle Pierre Lellouche, était de laisser l’Ukraine aux Russes pour avoir la paix. Encore mieux ; en 1994, les Américains ont puissamment aidé les Russes à dénucléariser l’Ukraine et à rendre aux Russes les quelques 5000 armes nucléaires héritées de l’Union soviétique qui étaient sur le sol ukrainien. “Donc, ni la France, ni l’Amérique n’étaient chauds pour voir l’Ukraine changer de camp. Ensuite, le sort de l’Ukraine s’est trouvé pris en tenaille dans l’évolution des relations entre les deux empires, l’empire américain qui était surpuissant et l’empire russe qui était déclinant, mais que, à partir de 1999, Poutine a voulu faire renaître. Et c’est là qu’au fil des années, l’affaire ukrainienne s’est trouvée prise en tenaille entre les deux. Il y a eu des divergences assez vite.” Pierre Lellouche
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“J”ai une lecture pour parties différentes”, reprend Nicolas Tenzer. “Dans la mesure où je crois que ce qui s’est passé à partir de 1989-1991, c’est tout simplement l’émergence et la libération des nations ou de ce que Milan Kundera appelait les Petites nations – même si l’Ukraine est une moyenne nation plutôt qu’une petite nation. C’est-à-dire que pour la première fois, ces peuples emprisonnés derrière le rideau de fer se sont mis à rêver Et heureusement, c’est un progrès considérable dans l’histoire de l’humanité à la liberté et à l’indépendance et à l’affirmation d’eux-mêmes. Et ils ont redécouvert toutes ces nations, d’ailleurs – pas seulement l’Ukraine, mais l’Ukraine aussi. Ils ont découvert leur passé. Ils ont compris qu’ils avaient été soumis à une forme de domination coloniale ou impériale, en quelque sorte, par l’URSS jadis, et qu’il n’était absolument pas question qu’ils retombent dans le joug de la Russie parce que c’était tout simplement la privation de ce pour quoi ils s’étaient battus et de leurs idéaux mais aussi des idéaux que l’Europe avait fait sien.” Nicolas Tenzer.
“Quand on lit tous les écrits de Poutine depuis 2000, on s’aperçoit que pour lui, tout simplement, les autres nations, en tout cas celles de l’ancien empire soviétique, n’ont pas le droit à l’existence” (N. Tenzer)
“Et à partir de ce moment-là évidemment, lorsque Poutine en particulier est arrivé au pouvoir, il a considéré une seule chose c’était qu’il fallait retourner en quelque sorte à une forme de domination impériale que le droit des peuples la liberté la liberté d’abord individuelle des personnes mais aussi la liberté des nations, n’avait strictement aucun sens. Et quand on voit effectivement tous les écrits de Poutine depuis 2000, on s’aperçoit que pour lui, tout simplement, les autres nations, en tout cas celles de l’ancien empire soviétique, n’ont pas le droit à l’existence. Et du côté des Occidentaux, et alors peut-être qu’il y a sur un petit point, je pourrais rejoindre Pierre Lellouche, nous n’avons pas pris les décisions qui s’imposaient. C’est-à-dire que nous sommes restés dans l’entre-deux. D’abord, nous avons tous aidé la Russie. (…)” Nicolas Tenzer
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Sources bibliographiques
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