On dit parfois que la première victime des guerres, c’est la vérité. On pourrait dire aussi que la première victime des batailles politiques comme celle marquée par la récente censure du gouvernement, c’est la confiance. Non pas la confiance des Français en eux-mêmes, qui est toujours assez forte. Mais la confiance dans les dirigeants de notre pays et dans nos institutions.
Ce qui se joue depuis la dissolution de juin, c’est l’aggravation de son contraire, la défiance, qui n’a pas commencé hier. Au point qu’un tiers des électeurs en moyenne, rappelle l’historien Michel Winock dans le 1 d’aujourd’hui, ne croit plus en la démocratie et pense qu’un bon régime autoritaire serait plus efficace.
Dans une inconscience totale des conséquences désastreuses, insiste-t-il. Comme si la liberté́ n’était qu’accessoire… Ce qui est à redouter, nous prévient Winock, c’est alors l’appel à l’autorité́ qui prend en France le visage de Marine le Pen ou celui de Jean-Luc Mélenchon.
Quelles sont les manifestations de cette défiance ?
Le politiste Vincent Martigny en dresse un catalogue édifiant dans le 1. Par exemple, dit-il, l’idée ultra- majoritaire depuis des années que les acteurs politiques se moquent des problèmes quotidiens des Français. Et outre l’effondrement de la confiance dans les institutions, la démission de nombreux maires ou leur décision de ne pas se représenter en 2026. Ils se sentent abandonnés par l’État et subissent l’agressivité́ de la population à leur encontre, y compris dans les petites villes. Le fameux « à portée de baffe ».
2400 maires ont ainsi démissionné depuis le début de leur mandat en juin 2020, et 57 000 sièges de conseillers généraux sont vacants. Sans oublier enfin la colère sociale qui ne cesse de gronder et que manifeste la révolte des agriculteurs après l’accord européen sur Mercosur, ou encore la récente fronde des fonctionnaires pour protester contre la chute du service public.
Pendant ce temps-là̀ pointe le succès de la stratégie Bardella roi du selfie et de TikTok, acteur politique devenu un précipité de vide, mélange d’influenceur, de top model et de gourou des réseaux, ou encore d’auteur de livre indigent.
Comment sortir alors de ce qui ressemble à une impasse ?
Plutôt que de changer de République et de passer à la 6ème du nom, comme demandent certains, ou de provoquer des présidentielles anticipées au cri de Macron démission, comme le réclament d’autres – mais ce sont souvent les mêmes, une issue par le haut consisterait à adopter dans notre Constitution ce que Michel Winock et aussi le professeur de science politique Mathieu Dupas appellent la motion de censure constructive.
Une mesure qui a fait ses preuves en Espagne et en Allemagne, et qui consiste, pour ceux qui renversent un gouvernement, de proposer le candidat au poste de premier ministre. Ainsi arrivèrent aux affaires Helmut Kohl hier, et Pédro Sanchez aujourd’hui. Un tel dispositif interdirait ce qu’on appelle la coalition des contraires parfois contre nature.
Ajoutez par-dessus une bonne dose de proportionnelle pour permettre aux partis de concourir sans alliance préalable – ce qui libèrerait par exemple le PS de LFI, et le paysage pourrait en être changé, la stabilité retrouvée, et la confiance revenue. Bon, c’est peut-être finalement un conte de Noël, cette chronique…
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