Sonia Feertchak est essayiste et romancière. Elle a notamment écrit L’Encyclo des filles et La vérité tue, un essai sur Agatha Christie et la famille. Dans son nouveau roman intitulé Ne vois-tu rien venir, paru aux éditions Flammarion, l’autrice nous transporte littéralement dans la tête de Lise, hypersensible et à l’imagination débordante que l’on suit de ses 6 à ses 18 ans alors qu’elle est confrontée à une situation familiale effrayante.
L’entretien avec Sonia Feertchak
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La première scène du livre est absolument sidérante. Lise est dans son rehausseur, dans la voiture de ses parents, et assiste de loin à un accès de violence de son père. Il se déchaîne littéralement sur une famille en train d’abandonner un chiot, laisse cette famille terrassée sur le bas-côté de l’autoroute et rapporte son trophée qu’il offre, tel un sauveur, à sa fille. Lise est à la fois sous le choc et fascinée par cette petite boule de poils qui lui est confiée.
La société a évolué avec #MeToo
Désormais ce sera Lise et Noun. Comme s’il était tout droit sorti d’un conte fantastique, Noun devient un chien hors norme, immense et qui ne quitte pas Lise. Elle se confie à lui et surtout très vite, elle note dans un carnet tout ce qu’elle vit, ce qu’elle ressent et comprend, face à ses parents dont le couple se délite. Avec ses mots à elle, et avec la manière dont elle-même évolue, elle raconte sa mère qui sombre sous l’emprise de son mari. Lui se révèle être un séducteur qui la rabaisse sournoisement, préférant d’autres femmes, d’autres corps, qui gravitent autour de lui et qu’il maltraite chacun à leur tour.
C’est un roman que j’ai mis très très longtemps à écrire. J’ai commencé à y travailler fin 2015, 2 ans plus tard il y a eu l’affaire Weinstein et je me suis rendu compte après coup que, finalement, Lise avait grandi en même temps que la prise de conscience de la société sur la mise à disposition des corps, sans qu’on se dise mais c’est un scandale. Lise évolue donc, comme j’ai évolué avec #MeToo, tout comme la société a évolué depuis l’affaire Weinstein.
Ne vois-tu rien venir, Oh que si ! Et pourtant le titre n’est pas écrit sous la forme d’une question mais bien d’une affirmation. On pressent que cela finira mal. Une violence sourde rode dans les pages de ce roman tout en tension et qu’on a du mal à lâcher.