Peu après l’attribution du Goucourt au roman de Kamel Daoud Houris déjà interdit au salon du livre d’Alger, l’avocate algérienne Fatima Benbraham rendait public deux plaintes déposées début août contre Kamel Daoud et son épouse au tribunal d’Oran, l’une pour violation du secret médical, l’autre pour violation de la loi de réconciliation nationale, déclenchant aussitôt contre l’auteur du livre une campagne de presse extraordinairement violente des deux côtés de la méditerranée.
Quelques jours plus tard le 16 novembre, profitant de l’arrivée à Alger du romancier Boualem Sansal, les autorités algériennes procédaient à son arrestation avant de l’inculper pour atteinte à l’unité nationale, une peine passible de la prison à vie.
Les deux écrivains sont depuis considérés l’un et l’autre comme des suppôts du sionisme, du colonialisme et de l’extrême droite, bref comme des traitres à leur patrie -cette patrie que la députée de gauche Rima Hassan décrivait dans un tweet comme “la Mecque des révolutionnaires et son deuxième chez moi“.
Mais qu’est-ce qu’un traitre, à quoi sert-il, quelle est sa fonction pour le pouvoir qui l’isole ?
La figure du “traître littéraire”
Smaïn Laacher décrit cette figure universelle du traître “toutes les sociétés possèdent un ‘stock de traîtres’ comme figure repoussoir (…) la figure du traître est là pour pour ressouder l’unité nationale et nommer l’ennemi.“
Il analyse les différentes prises de position après l’arrestation de l’écrivain : “dire que Boualem Sansal a blessé le sentiment national, c’est exactement mot pour mot la parole de l’autorité étatique. Et même si il avait blessé le sentiment national, il en a tout à fait le droit. La critique est sans limites, la limite est le droit.(…) la critique c’est le pouvoir de produire de l’intelligibilité sur des choses compliquées.” Ali Bensaâd rappelle le contexte politique à savoir le désaveu d’un régime qui s’est durci, il poursuit : “seul les régimes fragiles arrêtent les écrivains (…) J’ajoute que la question de l’intégrité territoriale en Algérie structure l’inconscient collectif algérien qui a une réactivité toujours exacerbée sur cette question. Le régime convoque ce rapport au territoire et l’instrumentalise.” Jean-Marie Laclavetine, son éditeur depuis Le serment des barbares (paru en 1999 aux éditions Gallimard) et Le village de l’Allemand retrace le parcours de Boualem Sansal : “sa trajectoire privée -dont il fait le récit dans ‘Rue Darwin’ -est tout à fait extraordinaire, il croise l’histoire de son pays tel qu’il l’a observé et analysé (…) Boualem Sansal est un libre penseur, un voltairien qui a un regard à la fois très critique et plein d’amour pour l’Algérie.”
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Générique
Musique : Chimes of freedom de Lynne Arriale trio et KJ Denhert
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