Il y a une semaine, le fils d’une amie à Berlin lui a demandé : “Maman, est-ce que je vais devoir faire la guerre ?”. Il a douze ans, le spectre d’une guerre avec la Russie plane sur l’Allemagne, et cela n’a pas échappé à nos enfants. L’armée a commencé à mettre en œuvre un plan semi-secret pour préparer le pays à une éventuelle attaque de la Russie contre l’OTAN. Operationsplan Deutschland : rien que le nom donne des frissons.
L’Allemagne deviendrait une plaque tournante logistique pour l’acheminement vers l’est de dizaines de milliers de soldats alliés, de matériel de guerre, de vivres et de fournitures médicales. La Bundeswehr a déjà engagé des discussions avec des entreprises allemandes, qui seraient fortement sollicitées en cas de conflit.
Une information, en particulier, m’a fait frémir : l’État allemand est en train de développer une application pour smartphones destinée à aider les citoyens à localiser les bunkers à proximité en cas de bombardements. Je me suis empressée de vérifier où se trouvait le bunker le plus proche de notre appartement. J’ai été soulagée d’en trouver un à seulement 400 mètres. Voilà un avantage de Berlin que j’ignorais jusque-là : pour des raisons historiques, la ville possède un réseau étendu de bunkers en béton massif. Celui qui se trouve près de chez nous a été transformé en “lieu d’apprentissage et de mémoire”.
Amère ironie que d’imaginer ce vestige d’un temps qui semblait révolu retrouver sa fonction première.
L’Allemagne a fait du travail de mémoire sa matrice. Mais quel sens cela a-t-il si d’autres pays refusent de tirer les leçons du passé ? Dans la préface de mon dernier livre, j’écris : “Je suis une enfant de l’Europe qui ignore l’odeur de la guerre”. Je n’en connais que les cicatrices qui balafrent les rues de Berlin et hantent les histoires familiales.
Dans ma famille, c’est le souvenir d’un grand-père nazi qui a profité de la détresse des Juifs et du déluge de bombes qui a ravagé Mannheim, la ville natale de mon père. La réalité de cette époque pourrait devenir la nôtre.
L’Allemagne n’est pas encore en guerre, mais elle n’est plus non plus en paix.
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