Oui, parce que ce soir au pavillon Gabriel, nos confrères de l’Équipe organise la cérémonie des vélos d’or qui récompense les meilleurs coureurs et coureuses de la saison. Comme aux César, des nommés… Pour le vélo d’or masculin, un siège sera vide, remplacé par la vignette de l’absent : Remco Evenpoel. Pour ceux qui aiment le vélo, Remco, c’est le nouveau Merckx, le petit cannibale. Pour les autres, c’est une image inoubliable le 3 août 2024.
La rue Lepic en tableau de Monnet, une crevaison devant la pyramide du Louvre, finalement une avance suffisante et Evenpeol qui pose son vélo contre lui sur le pont d’Iéna dos à la tour de Eiffel, pour sa deuxième médaille d’or. 6 jours plus tôt, il s’adjuge le titre olympique contre la montre… Son absence ce soir n’a rien à voir avec la jalousie à l’idée d’assister au sacre annoncé de son grand rival Tadej Pogacar, non, si Remco n’est pas là, c’est qu’il ne peut plus bouger…
Mardi, il roule pour une séance d’entraînement dans la région de Bruxelles, un véhicule de la poste à l’arrêt. Alors qu’il le double, la portière s’ouvre… Le coureur belge se retrouve projeté. Le vélo cassé en deux. Comme sa clavicule, ses cotes, sa main. C’est la troisième grosse chute d’Evenpoel dans sa carrière. Sa compagne explique sur Instagram que « la vie est effrayante…Tout peut changer en une fraction de seconde » …
Mais c’est un accident bête de la circulation non ? Rien à voir avec la dangerosité du vélo ?
Si. À vélo, désormais, tout se pose à l’aune de la question de la dangerosité de ce sport. Plus de 250 chutes par an, en course ou à l’entraînement. Des cadences désormais infernales. Rendez-vous compte : le peloton roule aujourd’hui 3km/h plus vite qu’il y a quelques années. Des traumatismes lourds pèsent sur celles et ceux qui enfourchent leur vélo, des vélos qui ne pèsent plus rien. La machine aujourd’hui, c’est le sportif. En descente, au bout, c’est souvent l’enfer. En ville, ils déboulent au milieu de mobilier urbain à près de 60km/h alors même que les routes sont faites pour être traversées en voiture à 30km/h… Des dos d’ânes, des nids de poule, des chaussées qui se transforment en patinoire et provoquent des séquelles physiques, mais aussi mentales d’une violence insensée. Des jeunes coureurs, ou coureuses, affrontent désormais davantage leur peur, que leurs adversaires. Des paralysies, des cauchemars aussi…
En Formule 1, il a fallu des morts pour que la fédération internationale change les règles des circuits et imposent des mesures de sécurité aux pilotes. Le vélo a ses cercueils depuis longtemps…
Et rien ne change ?
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Si. L’UCI, la fédé internationale de cyclisme a réagi avec un ‘safe road’. On supprime certains pans de course. On installe des matelas sur les côtés sont censés amortir des chutes en descente… On limite l’oreillette, pour plus de concentration…
Mais au bout du compte, c’est la concurrence permanente qui provoque le plus grand danger : pour une qualification sur le tour, pour un sponsor qui paie toujours plus, pour un sprint arraché…
Mathieu Van der Poel pose, lucide, pose un constat terrifiant : ” L’élément le plus dangereux du cyclisme, ce sont les coureurs eux-mêmes”…
Alors ce soir allons au pavillon Gabriel : tranquille.